Le propriétaire qui a abattu les nombreux arbres qui entouraient de trop près sa maison a gardé un billot pour servir de banc. La nature, il s’assoit dessus.
Olivier Hervy, Promenades autour de chez moi, Denis éditions, 2021

Le propriétaire qui a abattu les nombreux arbres qui entouraient de trop près sa maison a gardé un billot pour servir de banc. La nature, il s’assoit dessus.
Olivier Hervy, Promenades autour de chez moi, Denis éditions, 2021
– Bon. Qu’est-ce qui ne va pas ENCORE aujourd’hui ?
– Je peux pas te le dire
– Même à moi ?
– Oui
– Qu’est-ce que tu veux que je te dise…
– Oh ! Regarde !
– Quoi ?
– Les jasmins d’hiver !
– C’est comme ça tous les hivers, tu sais
– J’avais oublié
– Pomme,va.
Nous sirotons une flûte de champ’ sur la terrasse, Mer et moi. Vue sur le jardin grand comme deux tables. Tout est vert, le bambou va mieux, le jasmin d’hiver promet – vivement ses riantes fleurs jaunes – les azalées du Japon exultent. Soudain, je lève la tête. Au loin, sur le mur mitoyen, comme un feu, regarde. Tout un pan de feuillage a rougi sans prévenir.
Ça, c’est l’automne, dit Mer.
Voilà, c’est mon anniversaire. J’ai cinq ans.
Il est légèrement bombé, posé sans façon sur un accoudoir de la bergère – pour moi, c’est une bergère (voire une marquise de jardin) même s’il manque le dossier. Il a l’air jeune. Il pleut ou il fait soleil. Il repose. À l’abri de la pluie, du soleil. C’est tout ce qu’il a trouvé, ce coin de terrasse. C’est tout ce qu’il demande. Et moi aussi.
Clic.
Les azalées du Japon losissent. Pas les lauliers-loses qu’attendent leul heule. Bambou ne se polte pas si mal. Moi, je leglette un peu Monsieur et Madame Thuya, à qui on a fait leul fête il y aula bientôt deux ans et qui dessinaient de bien belles figules avec leuls blanchages, des soulcils touffus, des pelluques bouclées, des moustaches.
Peldu peldu, le vicomte de Blagelonne…
Antonin Altaud
J’en connais qui s’y croient
qui croient carrément posséder le don d’invisibilité
Oui, c’est à toi que je cause,
je ne vois personne d’autre ici
Eh bien non, mon pauvre ami, tu n’es pas transparent
Quand j’étais petite, on disait : « Il est vitrier, ton père ? »
Hé ! tu me regardes un peu quand je m’épanche !
Allez, sors de là, va…
Le dîner est servi.
Oui, il m’arrive de faire mon Caliméro plus souvent qu’à mon tour. Or, il y a quelques semaines à peine, je fus cueillie. Joliment cueillie. J’avais raconté à quelques étudiants ma « découverte » de la pomme de terre (épiphanie du 7 juin). Et puis le dernier jour de classe, ce ne sont pas des fleurs que je reçus comme cadal…
Qui es-tu, toi ?
J’entends pas…
Monsieur qui ?
Ah ! Monsieur Pomme de Terre !
Enchantée, moi, c’est Pomme. Tout court.
Oui, je sais lire, pourquoi ?
Tu sais, Monsieur Pomme de Terre, tu es ici chez toi.
Enlève donc ton chapeau