Mois: octobre 2015

pas liev de s’inquiéter

 

Liev est resté un instant immobile, puis il s’est mis à tourner lentement dans le soleil. La cour était déserte. Il était bien au centre. Il tournait lentement dans le soleil. Et puis, quand il a jugé que cela avait assez duré, il est rentré de nouveau, un calme sourire aux lèvres. Il se disait que c’était suffisant, qu’il n’avait besoin de rien de plus. Et c’était suffisant en effet. Son esprit était serein et il y avait quelque chose de large et de généreux qui s’ouvrait dans sa poitrine.

« Sonia. »

Philippe Annocque, Pas Liev

liste de courses

 

–  des yaourts. Ben oui, tu manges quoi, toi, le matin ?

–  du tofu. No comment

–  un baba (– t’aimes pas ça ! – c’est vrai mais j’adore le mot)

–  un stylo 4 couleurs. Tu diras ce que tu veux, c’est moche comme tout mais c’est pratique

–  un pola (– nan mais tu as vu les prix !)

–  un pola

–  le dernier Philippe Annocque et plus vite que ça

–  le dernier Philippe Dumez, c’est pour bientôt

–  un kilo d’oranges, sans pépins

–  des graines pour tourterelles et autres palombes. Dame, l’hiver qui vient

–  un Gaspard pour l’hiver. Comment ça, il n’y a plus cet article en magasin ?

 

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je me souviens, dit-il

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 jusqu’ à demain, dimanche 25 octobre

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il revient

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avec ses je me souviens

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et ses amis

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multiples et variés (ou l’inverse)

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si tu ne me crois pas

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vas-y voir

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de tes propres yeux

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librairie Le monte en l’air

2 rue de la Mare, 75020 Pantruche

mes photos sont nulles mais l’expo est belle et drôle

et en plus, il y a plein de délicieux ptits livres duméziens pour une bouchée de pain

histoire naturelle

Ou bien, il y a le Bernard l’ermite aux yeux verts, et tous ses copains : le pagure anachorète, le pagure poilu, le pagure sédentaire, pour les âmes plus mobiles, moins gracieuses et plus collectives. Plus « mobiles » d’abord, puisqu’un Bernard l’ermite ça galope de partout et ça ne rêve pas de rentrer en soi – ça ne le fait que sous le coup du danger. Grande sagesse des trouillards : rentrer en soi, ce n’est pas une sinécure, ce n’est qu’une honnête stratégie de survie. Moins « gracieuses » ensuite, parce qu’il n’y a rien de plus comique qu’un Bernard l’ermite recroquevillé dans sa coquille – bien moins classe qu’une huître qui tient tout puis lâche tout. Mais à cela aussi tient sa sagesse : on ne rentre pas en soi parce qu’on sait s’aimer soi-même, on rentre en soi parce qu’on sait ne plus avoir peur du ridicule. Enfin plus « collectives », parce qu’une coquille ne faisant pas toute une vie, le Bernard l’ermite est bien obligé d’en changer de temps en temps. Mais comment faire quand on sait qu’au-dehors tout menace ? Alors il a inventé ce que les éthologues appellent la « chaîne de vacances » : de nombreux Bernard l’ermite de tailles différentes se réunissent autour d’une coquille vide adaptée à la croissance du plus gros d’entre eux, et chacun passe ensuite dans la coquille de l’autre, la plus petite restant vide. Qu’on réfléchisse à ce modèle de vie collective : c’est une leçon pour nous tous.

Pierre Zaoui

extrait de Rentrer comme des bêtes, Vacarme nº73, automne 2015

comment lui dire

 

Je l’aime beaucoup le petit Indien tout sourire qui vend ses fruits exotiques devant le kiosque à journaux. Lui ai acheté les yeux fermés une belle grappe de raisin blond pour pas cher, que j’ai rincée comme il faut, grain à grain. Pourtant, à certain arrière-goût tenace qui ne trompe pas, je me suis dit que c’est peut-être avec du savon que j’aurais dû y aller.

 

have a heart

abandon syndrome

 

Je toussais comme un dératé. Personne n’était fichu de me trouver un médecin, même Lili, elle m’a suggéré d’aller aux urgences de l’hôpital, mes voisins m’ont dit que c’était un conseil meurtrier. Dan m’assure qu’à Rome on délivre des antibiotiques sans ordonnance. Je vais de ce pas faire entendre ma toux à une vieille pharmacienne grincheuse, qui m’enjoint de consulter un médecin. Le noble pharmacien aux cheveux blancs de la place d’Espagne me donne un sirop, ça fait un mois que je m’abreuve de ces potions nauséeuses. Enfin un assassin du côté du tombeau de l’Auguste Imperator me vend des antibiotiques, avec une posologie que je lui fais répéter trois fois. Je n’ai pas trop confiance : je me traîne sur le Corso, j’entre dans les pharmacies pour montrer mon médicament, je demande si la dose prescrite n’est pas criminelle, on a plutôt envie de m’envoyer chez un psychiatre.

Hervé Guibert (mon ami, mon frère, asteure surtout), L’incognito