Mois: juillet 2016

Y se rendent pas compte

 

Avant, on vous demandait. Je m’en souviens très bien. Ça pouvait déstabiliser si on était fragile mais au moins, on vous témoignait un semblant de respect. Comme un reste de conscience de l’extrême violence du truc.

Hier, non seulement l’apothicaire m’a balancé le générique sans prévenir, mais en plus ce n’était pas le même que d’habitude. Tout un monde qui chavire.

La prochaine fois, sur la boîte de médoc, il y aura simplement écrit « Tu sais quoi ».

 

DSC06201

la nature et moi (ça fait trois)

 

C’est tombé sur ma main, ça a roulé dessus, c’était joli. Léger et blanc comme du coton c’était. J’ai gardé la main devant moi en marchant comme si je tenais un trésor… jusqu’à ce qu’agacé par tant de manières, le trésor me pince. C’est bien la première fois que je me fais piquer par un flocon de neige. En plein cœur de juillet encore.

Clic.

renardeau

 

Dieu qu’il était roux. Il s’inquiétait de l’heure, comptait mentalement les stations de métro. Tout était roux chez lui, les cheveux, la peau, les yeux, le cartable, et jusqu’à son papa. Il fronçait très légèrement les sourcils à cause des cinq minutes de retard qu’il calculait. J’avais envie de lui dire que moi aussi, j’étais à la bourre et que c’était pas grave. Pas si grave. Avec les yeux que tu as, mon vieux, franchement. Mais les enfants m’intimident. Ma station est arrivée. Il en avait encore deux à supporter. Deux minutes de retard de plus au compteur. On s’est regardés une demi-seconde, mais si tu m’apprivoises. Mon cœur s’est arrêté.

Clic.

chemins de fer

 

C’est à croire que la louise aimante la ferraille rouillée…

Passé les perplexités, les douces moqueries, arrivent de tous côtés des offrandes pieuses.

Du trop joli d’abord, puis quand on voit que, dans la benne, elle retient le plus informe, le plus ravagé, le plus méconnaissable, le vraiment plus bon à rien, les scrupules fondent. La louise voit enfin venir à elle du fond des caves, du fond des âges, de la belle et bonne rouille croûtée. Qui présente enfin des effritements, des béances, des boursouflures inspirantes.

Et qui fut des ressorts, des clous, des dés, des outils, des seaux. Toutes sortes de fils de fer noués. Des écheveaux cassants.

Des pelles, des pioches, des vis et des boulons.

Des gamelles-melles-melles.

Des bidons-dons-dons.

Des gamelles et des bidons…

 

DSC07376

 

La rouille finistérienne triche. Confond la louise de l’automne 2011 dès son arrivée à Douarnenez. Dans une anse du port, des épaves de vieux gréements exposés en un mikado grandiose lui en livre par tonnes qui s’oxydent dans le gris. Mémoire. Silence. Grâce. Rien ne manque, ni l’âme, ni le supplément d’âme.

Louise est écrasée. Jalouse. C’est de la triche.

L’esprit de sel sublime la rouille de mer.

La louise rétablit la frontière. Sa rouille à elle, qu’on se le dise, est et sera rouille d’eau douce.

 

Françoise Louise Demorgny, Rouilles, éditions isabelle sauvage, 2015