D’accord… si tu veux… mais bon… tu es sûre que ça va, toi ?
Mois: novembre 2014
à la rue
Qui décida de s’en débarrasser et pourquoi. C’est trop petit chez moi, il m’encombre. Il m’empêche de respirer. C’est lui ou mes livres. C’est lui ou moi. Il jure avec la couleur des murs, de la moquette. D’ailleurs tout le monde se moque de nous. Et puis il est trop dur comme oreiller. Bref, le verdict est tombé, à la rue.
Alors qu’il y avait là un objet complexe, attachant, compact et vulnérable. À la fois ouvert sur le monde et fermé de l’intérieur. De bonne volonté, obstiné, ne lâchant jamais prise. Loyal et beige. Une aubaine, rien de moins.
court-métrage (idée de synopsis pour)
Bianca s’est décarcassée. Elle a tout préparé quand les invités n’arrivent pas. Elle a même eu le temps de laver casseroles et autres couteaux à poisson quand ils n’arrivent toujours pas, quand Ella Fitzgerald ne peut combler tout le vide. Elle finit par appeler les absents désirés, un à un, dans un ordre précis. Contre toute attente, chacun répond au bout du fil.
Comment ? C’était ce soir ? J’avais noté la semaine prochaine – C’est pas vrai, je croyais que c’était demain, je suis chez des gens, là. Et tutti quanti. Ils auraient juré. Tu ne m’en veux pas ? On remet à une autre fois, et alors chez moi ?
Bianca raccroche. Se retrouve avec pas mal de victuailles. Une idée, les voisins d’à côté. Ils sont bien, les voisins, le père, la mère et la petite Séverine qui lui décoche un bon sourire chaque fois qu’elles se croisent.
Ils sont navrés pour elle. Dînons tous ensemble ! suggèrent-ils. Elle regrette mais non, elle n’a pas le cœur, elle ne sait pourquoi. Malgré leurs prières, elle leur laisse les mets et rentre chez elle. Après tout, elle doit œuvrer sur cette auteure si délicieusement British, Mary Frances Kennedy Fisher (1908 – 1992), ayant commis entre autres Biographie sentimentale d’une huître et Le fantôme de Brillat-Savarin.
De fait, elle travaille. L’inspiration est même au rendez-vous. Quand elle tombe sur une phrase qui l’émeut.
Les hommes très simples savent que si vous détruisez la nourriture que laisse quelqu’un d’autre, vous pouvez par ce moyen lui faire du mal. Avec les os qu’il a sucés, avec le riz qui adhère à son bol, on peut façonner une petite figurine, et ensuite la pourriture rongera sa chair comme elle ronge celle de son effigie.
Elle la relit. Comme c’est bien dit. Comme elle voudrait écrire ainsi. Jusqu’au moment où cette phrase en entraîne une autre qui la remue, lui triture le ventre, la met soudain hors d’elle et de sa chaise. Le style en est plus lapidaire, d’autant plus efficace.
Ou bien on peut verser du poison dans son bol
Oh non ! Comment avait-elle pu oublier… Les voisins !

Je sais pas, ça m’est venu comme ça, je lance l’idée.
les gens, tout de même
Je lisais à la vitesse de la lumière. Je lisais plus vite que le vent. Je lisais comme personne. Un jour, alors que je venais d’emprunter un livre à la bibliothèque de l’école et que je le reportais un quart d’heure plus tard à la bibliothécaire parce que je venais de le lire, là, dans mon coin, la maîtresse vient me voir. Comment, tu l’as déjà lu ? Vraiment ? Peux-tu me raconter l’histoire ?
Plutôt crever. J’empruntai à nouveau le conte en me jurant solennellement de ne plus jamais confier quoi que ce soit à un adulte.

Non mais sans blague.
Mont Blanc
J’ai beau lutter, il arrive que la mauvaise foi me saisisse.
Elle réveille mes penchants les plus sombres.
Je l’avoue, j’aimerais parfois balayer le mont Blanc d’un revers de main, lui trancher la cime, le décapiter, comme on fouette une vulgaire montée d’œufs en neige. J’aimerais qu’il en bave et qu’il dégage du paysage, qu’il cesse d’être le plus haut sommet des Alpes, qu’il ravale ses 4807 mètres, qu’il fasse profil bas, bref, j’aimerais bien le rayer de la carte, qu’il s’écrase.
Cela dit, ma colère retombe.
Et le mont Blanc demeure.
Fabio Viscogliosi, Mont Blanc
la secte du Blême (le retour)
étonnations (14)
Un jeune garçon sirote un soda au goulot. Son amoureuse lui souffle, Tu peux le faire en wifi ? Sans cesser de boire, il éloigne la bouteille de sa bouche de quelques centimètres. Poésie pas morte.