– Arrête, ça n’intéresse personne
– Merci la solidarité
– Vraiment, trouve autre chose
– T’es pas obligée de rester non plus. Bon, je commence. Il y a un raccourci pour arriver à la station de métro, une sorte de passage à chaque fois ça me fait penser à Irréversible et pourtant je l’emprunte dès que je peux, il est génial il coupe le triangle tu gagnes cinq bonnes minutes tu vois il
– Un raccourci, quoi

– … Il se trouve qu’il est fermé toute la nuit, à 7 heures du matin, le rideau de fer est encore baissé. En revanche – j’ adore cette expression, tellement juste, tellement juste – à 9 heures c’est bon. Mais moi le matin c’est 7 heures, 7 heures et quart, 7 heures et demie, et c’est jamais bon. Ce qui ne m’empêche pas de regarder à droite, vers le trou noir. À chaque fois. Je sais que c’est bouché et j’y retourne, je tourne la tête. Comme une maladie.
– Allez, c’est pas si grave.
– Sauf ce matin, j’ai pas regardé. Tout droit j’allais, c’était tentant comme tout, j’ai failli céder mille fois, tous les passants devant moi ont eu ce même penchant à droite redressé in extremis, mais j’ai tenu bon. Contre le trou noir. C’est ma victoire.
– Ta quoi ?
– Sans-cœur, va, rabat-joie.