Mois: août 2014

rêve

 

– Connaissez-vous cet escargot, Monsieur ?

Je lui montre une photo, insiste.

– C’est un escargot inconnu de nous, vous comprenez.

– C’est ce jeu qui m’est inconnu. Excusez-moi.

Après quoi il s’en va.   Seule,  je  me  demande.   Un escargot  inconnu de nous.   Si jamais je le  retrouve, tentation de le baguer.   Tentation surmontée.

 

 

harunohito

 

la berlue

 

Tout à coup, au beau milieu d’un accès de rire, dû à certaine facétie de Clio la Cendrée, et qui était, vraiment, des plus divertissantes ! – j’eus je ne sais quelle idée obscure d’avoir déjà vu ce gentilhomme dans une toute autre circonstance que celle de Wiesbaden.

En effet, ce visage était une accentuation de traits inoubliable et la lueur des yeux, au moment du clin des paupières, jetait sur ce teint comme l’idée d’une torche intérieure.

Quelle était cette circonstance ? Je m’efforçai en vain de la nettifier en mon esprit. Céderai-je même à la tentation d’énoncer les confuses notions qu’elle éveillait en moi ?

C’étaient celles d’un événement pareil à ceux que l’on voit dans les songes.

Où   cela pouvait-il bien s’être passé ?   Comment accorder mes souvenirs habituels  avec  ces  intenses idées lointaines de meurtre,  de silence profond,  de brume,  de faces effarées,  de  flambeaux et de sang, qui surgissaient dans ma conscience, avec une sensation de positivisme insupportable, à la vue de ce personnage ?

– Ah çà ! balbutiai-je très bas, est-ce que j’ai la berlue, ce soir ?

Je bus un verre de champagne.

Villiers de l’Isle-Adam, Le convive des dernières fêtes

 

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nuit noire

 

À deux pas du Musée de la photographie.

 

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C’était le soir, dû mettre un flash mais je te jure c’était la nuit. On fait quoi, avec ça.

 

***

 

Oui oui, Villiers, demain. Truie qui s’en dédit. Et nous ne serons pas si loin car sa fin de vie fut misérable, à Villiers – l’enchanteur absolu.

métro

 

J’y lis souvent mais pas toujours. Ou bien il arrive que je lâche mon livre pour quelqu’un.  Il y eut cette dame fatiguée, magnifique.

 

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Ou bien, la semaine dernière, ce pensif assez merveilleux.

 

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Vous êtes aujourd’hui un vieux  monsieur qui brandissez une pancarte devant vous, et pas n’importe laquelle ;  vous l’agitez au-dehors à chaque arrêt du métro. Vous n’arrêtez pas de bouger.  Je lisais Villiers,  impossible de me concentrer  avec votre manège en face de moi.  Il  y  a un moment où,  à  quoi  bon  lutter,  il  faut  sortir l’antique cybershot,  s’y  reprendre  à  plusieurs fois – c’est flou. Clic. Vous voyez que je vous prends en photo. Nous nous regardons. Quand je sors, nous nous regardons encore.

 

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Villiers, ce sera pour demain, promis.

Même qu’il y aura du champagne.

histoire d’huîtres

 

«À la Maison Dorée, boulevard des Italiens, Barbey d’Aurevilly vint un jour pour déjeuner.  Beaucoup  de  monde,  une seule place de libre,  à la table du vicomte de Pontmartin,  qu’il n’aimait guère – et la réciproque était vraie.

«Pontmartin était attablé devant une douzaine d’huîtres.

«- Monsieur, dit Barbey d’Aurevilly, vous m’obligeriez infiniment en me permettant de prendre un siège près de vous.

«- Je regrette, répliqua l’autre sèchement, mais je déjeune toujours seul !

«Alors le Connétable, reculant d’un pas et, montrant avec sa canne le plat d’huîtres, s’écria d’une voix retentissante :

– Pourtant, Monsieur, vous êtes déjà treize à table !

 

barbey

Le Moniteur viennois, « la vie littéraire », 1928