Nounou

heurs

 

Nounou me montre une photo de ses parents.  Je la connais par cœur.  Carrée,  les bords beiges dentelés.  Amiens,   au cœur du XIXe.   Le père et la mère d’une nombreuse famille.   Nounou énumère, Mon petit frère Guy, mon grand frère Michel, ma petite sœur Christiane, mon autre petite sœur Mireille, qui habitait la Croix-de-Chavaux, tu te souviens. Ma grande sœur Reine. On était malheureux, tu sais. C’était dur. On n’avait pas d’argent. On s’aimait bien. On n’était pas malheureux.

 

propos de table

Mais de qui parle-t-on. Occupée à faire bonne figure, je n’ai pas fait attention à ce qui se disait et n’y suis plus du tout.  Toute la table normande  semble se moquer d’un certain Paul,  pas bien malin,  tout en os,  une drôle de tête et une de ces pommes d’Adam,   pauvre Paulo.  Nounou s’essuie les yeux de rire, me regarde et s’excuse Il t’aimait bien, va, vous vous entendiez bien tous les deux, hein… Je crois deviner mais les noms ne collent pas. Vous parlez de Georges, ton mari ? Les attablés pouffent de plus belle, C’est vrai qu’on l’appelait Georges ! Je prends une gorgée de mousseux pour y comprendre quelque chose. Il ne s’appelait pas Georges ? Silence.

Ben non, c’était Paul, son nom. Mais pourquoi ? Est-ce que je sais, moi, même ses parents voulaient pas l’appeler Paul alors nous on l’a appelé Georges. J’ai soudain l’impression d’être tombée chez des fous furieux.

savon

Nounou se vexait si on lui offrait du savon, Elle croit donc que je me lave pas ; du parfum, Je sens pas bon, alors. Elle est incroyable, me disais-je. Et puis quand Mutsumi m’a offert un petit miroir de poche, je me suis surprise à penser que c’était pour me dire Regarde-toi, mais regarde-toi un peu, pauvre fille, va ! histoire de me mettre face à face avec ma fatuité.