sombre dimanche

 

Il est haut comme trois pommes. Je le vois appuyer sur Retours – le bouton le plus gros. Ses livres sont refusés instantanément. Il tourne un peu sur lui-même, personne en vue. Je m’approche. Tu veux emprunter des livres ? Oui, qu’il fait. On y retourne ? Oui. Tu mets ta carte ? Le petit visage se décompose. Il cherche sa mère, c’est elle qui doit l’avoir. Elle est tout là-bas, au rayon DVD, parlant avec son téléphone. La médiathèque ferme dans dix minutes. Je l’interromps, Excusez-moi mais votre fils a besoin de sa carte. Elle consent à se décoller une seconde, Il l’a perdue, je crois. Je rêve ou elle sourit ? Avant de s’éloigner pour continuer sa conversation. Les larmes commencent à couler sur les joues du garçon. Il a quel âge ? Attends, ça devrait pouvoir s’arranger, écoute… Allons demander aux bibliothécaires. Bonsoir, Mademoiselle, il a perdu sa carte. La charmante lui demande son nom, etc. Attrape toute une liasse de cartes qu’elle examine. La sienne est retrouvée ! Je n’y crois pas, j’ai des ailes aux pieds.

 

Plus tard, à l’arrêt de bus, je les vois passer. Elle n’a pas lâché son téléphone, épanouie, tandis que lui, devant, a quelque chose de rageur dans la marche. Tant pis pour le bus, je traverse. Tu as pu emprunter ce que tu voulais ? Il secoue la tête. Je regarde la mère, qui consent derechef à éloigner son portable de son oreille, le temps de soupirer, Il avait encore des CD à la maison. Après quoi elle reprend le fil, nous n’existons plus. C’est pas grave, tu sais, tu vas vite les rapporter et tu pourras les avoir, tes livres ! Il ne lève même pas les yeux quand il articule, Y’a école mardi. J’ai beau arguer, Ce sera mercredi, ça va venir très vite ! il ne sourit pas. Et à sa place, entre nous, moi non plus, je n’aurais pas daigné rigoler.

 

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