Au mois de septembre je suis allée une semaine en voyage organisé par mon école qui encourage le bénévolat – en juin je m’étais inscrite pour jouer de la flûte dans les maisons de retraite. Le cours privé est catho, on fait sa B.A. comme les scouts. À mon retour je me suis pointée à l’hôpital puisque Jack m’avait promis de redresser ma dent. Cette dent mal plantée qui toujours m’obsède. Il a dit, Enfin te revoilà. Écoute, on se marie. Comme si on l’avait longtemps projeté et qu’enfin la décision soit prise. Il s’est arrêté de me fourrer dans la bouche ses instruments barbares, s’est penché vers le lavabo, m’a tendu un gobelet plein d’eau. Rince-toi. Je tremblais. J’ai renversé de l’eau sur sa blouse blanche. J’ai levé les yeux vers lui. J’ai eu un sourire immense.
Il a dit, tranquille, confortable, Ça sera vraiment sans problème de te surveiller les gencives. De vérifier que tout va bien. Je t’aurai sous la main. On se marie, ta mère et moi.
Annie Saumont, La dent in Le tapis du salon, nouvelles