Trapaz est peintre en tableaux comme vous savez il fait des paysages ça on peut dire que c’est beau, la rivière et les maisons avec des arbres en automne pour vendre ce n’est pas donné, ou bien ils viennent chez lui ou bien ils en voient par exemple au café du Marronnier et Boulette leur donne l’adresse pour aller voir surtout pendant les vacances, il va lui-même dans les cafés et les restaurants pour en mettre on reconnaît tout de suite à cause des arbres, il a appris avec mademoiselle Lozière mais lui il a de l’argent il se débrouille presque tous les restaurants d’en ville en ont et dans les maisons aussi il fait un prix suivant que les gens ont de quoi ce n’est pas le même, le gardien de mademoiselle Ariane pour vous dire dans sa cuisine il ne l’a pas payé cher mais Trapaz n’aime pas qu’on le dise à cause des jalousies toujours cette question, il s’est acheté une radio pour jouer pendant qu’il travaille moi je pourrais le regarder des heures il n’a même plus besoin des cartes postales tout de suite il commence et petit à petit on reconnaît les maisons, il fait aussi des bouquets mais c’est plus difficile sur commande parce qu’il faut des petits pinceaux par exemple les primevères et les myosotis c’est du boulot il les copie dans un vase sur la table, les pâquerettes c’est moins cher que les iris l’année dernière il était trop grand il ne l’a pas vendu comme il dit je ne peux pas descendre en-dessous ça serait de l’épicerie, il a un bout de jardin entre le terrain de foot et la salle des fêtes rien que des mauvaises herbes et de la ferraille il aime ça mais les gens disent c’est le dépotoir ils voulaient faire une pétition mais Trapaz s’est fâché il est propriétaire ça lui vient de ses parents mais il sait bien d’où la chatte a mal au pied, c’est Tronche qui veut faire conseiller municipal il n’a aucune chance à cause de sa femme qui couche avec Rivoz tout le pays le sait pour la moralité surtout qu’il n’a pas encore remboursé la moitié de ce qu’il doit à Gorin pour sa laiterie la nouvelle installation ça vous met la puce à l’oreille.
Robert Pinget, Mahu reparle